par Marie-Pierre Gröndahl et Anne-Sophie Lechevallier Article apparu dans le «Paris Match» du 6-12 juin 2013
Un Petrus 1990 pour 5 800 euros! C’est l’une des enchères symboliques de la vente d’une partie de la cave de l’Elysée le 31 mai – car l’acheteur était … chinois. Plusieurs de ses compatriotes avaient déjà jeté leur dévolu sur de grands vignobles français. En Bourgogne, l’été dernier pour 7 millions d’euros, et dans le Bordelais, avec une trentaine de propriétés depuis quatre ans, dont quinze hectares en pomerol et saint-émilion le 1er juin, pour une montant estimé à 15 millions d’euros. La Chine dépense de plus en plus à l’étranger: 77 milliards de dollars en 2012. Elle se classe au huitième rang en France, avec 31 projets d’investissements.
Depuis les débuts d’internationalisation de ses entreprises en 1999, la République populaire a changé de stratégie. Ses cibles ne sont plus seulement les matières premières, mais des géants occidentaux, dotés de marques à forte notoriété. Comme le Club Med, où le conglomérat Fosun, déjà actionnaire, a lancé une OPA avec Axa Private Equity. Objectif? Faire de la Chine le deuxième marché Club Med d’ici à 2015, avec 200 000 clients. Cette opération se veut amicale. En France, elle n’a pas suscité d’opposition des autorités. «La plupart des gros rachats antérieurs, comme Rover ou Thomson ont été des échecs ou se sont heurtés à des refus comme pour Rio Tinto. Les Chinois comprennent qu’il faut investir progressivement; avec des acteurs locaux; en recherchant des entreprises à forte valeur ajoutés. Le pays est de moins en moins «l’usine du monde», fabricant de produits basiques à bas coût. L’urbanisation s’accélère: 230 villes dépasseront le million d’habitants en 2025, contre 110 aujourd’hui. Les salaires y ont été multipliés par quatre en cinq ans, d’où le développement d’une classe moyenne avide de marques», explique André Loesekrug-Pietri, patron du fonds A Capital; co-investisseur de Fosun dans le Club Med. Au lieu de choisir la formule des raids boursiers hostiles visant la majorité du capital, source de déboires notamment aux Etats-Unis, les Chinois privilégient les sociétés non cotées, avec des prises de participation minoritaires, moins invasives. Elles ouvrent aussi les portes de l’eldorado chinois aux groupes européens concernés. Le danois Bang & Olufsen tente ainsi de rattraper son retard, grâce à la prise de participation du distributeur Sparkle Roll dans son capital en 2012. GDF Suez, lui, a accepté que le fonds souverain chinois CIC prenne 30% de son pôle exploration-production en 2011 pour accélérer son développement en Asie. Mais ces accords n’empêchent pas certaines frictions commerciales. Si l’Allemagne – au nom de ses intérêts d’exportateur – est dix-hui autres pays souhaitent supprimer le projet de droits de douane sur les panneaux solaires made in China, la France s’y oppose. Bruxelles tranchera.